Roman contemporain·Roman historique

Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

Résumé du titre

Ce sont les voix de ces jeunes femmes/filles japonaises qui ont traversé le Pacifique pour retrouver sur le continent américain cet homme à qui elles sont fiancées que nous entendons.
Le récit de leurs existences sur ce sol inconnu auprès d’un homme inconnu sur plusieurs décennies.

Mon ressenti

Le passé était derrière nous et il n’y avait pas de retour possible.

Depuis quelques années je souhaitais découvrir Certaines n’avaient jamais vu la mer sans véritablement connaitre l’approche choisie par Julie Otsuka.
Cet ouvrage est, pour moi, un ovni littéraire. A mi-chemin du roman et à mi-chemin de l’essai et du témoignage, il mélange de nombreux styles. Nous ne suivons pas un seul et unique personnage mais bien une multitude de voix nous racontant leurs arrivées, leurs vies aux Etats-Unis à travers des chapitres conçus pour chaque étages de leurs vies.

Parties en quête d’un avenir meilleur, ces jeunes femmes nous racontent par bribes leurs passés, les familles laissées derrières elles, pour un avenir parfois voire très souvent construit sur des mensonges que se soit de leurs parts ou des hommes qu’elles vont épouser une fois arrivées sur le continent américain.
C’est entendre ces femmes qui sont déconsidérées car femmes, on voit la misogynie,la domination des époux japonais sur leurs femmes mais aussi des employeurs américains qui utilisent leurs conditions pour abuser de ces femmes.
C’est la dureté des conditions de vie dans les champs, cette exploitation et domination des américains sur les japonais.

A travers leurs voix, Julie Otsuka révèle les conditions de vie, les traitements subis par les japonais de la part des américains, le regard posé sur eux car le racisme est omniprésent envers ces travailleurs exploités. Au fil des décennies, ce racisme, cette exploitation va se transformer en une acceptation passive, une invisibilisation de leurs présences car étant peu perturbateurs et finalement plus appréciés que d’autres populations asiatiques. On voit l’arrivée des nouvelles générations nées de ces couples qui vont peu à peu effacer leurs cultures, leurs vocabulaires pour se fondre dans la culture américaine malgré le racisme toujours présent. C’est aussi l’apparition d’une diaspora japonaise sur le sol américain avec des liens qui se nouent entre les membres de cette communauté.
Cet équilibre précaire est menacé puis détruit par la Seconde guerre mondiale. L’autrice montre cette intégration de la communauté japonaise puis de leurs disparitions en donnant la parole aux américains qui les côtoyaient, vivaient à leurs côtés, osant chercher à comprendre pourquoi ce départ si soudain, de savoir où ils sont allés, une tristesse présente chez les enfants qui ne comprennent pas la période. Cependant comme toute chose, plus le temps passe plus le souvenir de leurs présence physique, les mémoires, s’effacent laissant place à d’autres qui répètent ce schéma.

Puis vint la guerre… et comme tout le monde le sait jamais personne ne gagne une guerre : il n’y a jamais que des perdants.

A travers cette pluralité de voix c’est une pluralité de destins que nous découvrons mais toutes confrontées à un racisme ambiant de la part des américains à leurs égards, une acceptation relative de leurs présences dans les villes puis un oubli de leurs présences lorsque le monde les contraints à partir.
Alors que toutes ces japonaises n’aspiraient qu’à un meilleur avenir sur ce nouveau continent la roue du destin ne tournera que très peu en leur faveur.
Julie Otsuka dans Certaines n’avaient jamais vu la mer fait ressurgir du passé ces nombreuses voix oubliées.
Un très beau texte à découvrir.