Roman historique

La voix des vagues – Jackie Copleton

Résumé du titre

Amaterasu est désormais une vieille femme lorsque se présente sur le pas de sa porte un homme défiguré prétendant être son petit-fils, Hideo Watanabe, victime de la bombe atomique lancée par les américains sur Nagasaki.
Cette rencontre va l’obliger à raviver des souvenirs enfouis de sa fille, victime elle aussi de la bombe, et de son passé.

Mon ressenti

J’eus l’impression que le cœur du monde venait d’exploser.[…] Il n’existe pas de mot pour ce que nous avons entendu ce jour-là. Il ne doit jamais y en avoir. Donner un nom à ce son risquerait de signifier qu’il pourrait se reproduire. Quel terme serait à même de capturer les rugissements de tous les orages jamais entendus, tous les volcans, tsunamis et avalanches jamais vu en train de déchirer la terre et d’engloutir toutes les villes sous les flammes, les vagues, les vents ? Ne trouvez jamais les termes adéquats capables de décrire une telle horreur de bruit ni le silence qui s’était ensuivi.

Lorsqu’un homme vient chambouler votre vie et vos certitudes, qu’il vous oblige à remonter le fil de vos souvenirs et découvrir des vérités que vous gardiez cachés, comment faire face ?

La mémoire des vagues est un roman sur les souvenirs, la vérité, l’amour passionnel, la vengeance, les regrets et la douleur de la perte d’un être cher mais surtout sur l’espoir.
Jackie Copleton a écrit un roman à multiples temporalités et multiple voix nous permettant de découvrir et de vivre les sentiments de chacun des protagonistes à chaque étapes cruciales de leurs vies et la manière pour chacun de les appréhender.
Avant de débuter chaque chapitre, l’autrice introduit un mot, un concept de la culture japonaise tiré d’un ouvrage existant. J’ai beaucoup apprécié ce procédé qui me permettait de découvrir des concepts liés aux chapitres concernés.

Malgré leur désespoir, ces réminiscences étaient tendrement supportables si j’essayais de ne pas m’attarder sur elles trop longtemps. Il arrivait parfois que des souvenirs plus rudes se fraient un chemin en force, mais s’ils osaient aller jusque-là, j’avais entrainé mon esprit à riposter. […] Pourquoi étais-je encore ici alors que Yuko avait disparu ? Pourquoi nous fallait-il survivre ?

En utilisant la double temporalité et les voix multiples nous découvrons l’avant et l’après catastrophe rendant l’histoire et les personnages plus vivants et proches de nous.

Ainsi, les personnages féminins sont puissants et tentent de s’évader de leurs conditions sociales en refusant de suivre le chemin conventionnel et les traditions de la société japonaise. Amaterasu et sa fille représentant deux facettes de la condition et l’évolution de la femme dans la société japonaise avec la femme qui respecte les traditions tout en cachant son passé et Yuko, une jeune femme plus moderne et en adéquation avec son temps.
Au fil des chapitres, on voit se dessiner tout le tragique de l’histoire d’Amaterasu hantée par ses choix et les derniers moments de sa fille. L’arrivée de cet homme prétendant être son petit-fils, Hideo, élevé par l’homme qu’elle juge responsable de ses maux l’oblige à reconsidérer ses choix et à découvrir qui était véritablement sa fille à travers ses journaux intimes.
La fille d’Amaterasu, Yuko, est une jeune fille qui se révèle moderne, vivant un amour passionnel impossible et un chagrin d’amour dévastateur. Ses journaux intimes laissent entrevoir une jeune file qui tout en acceptant les conditions de ses parents reste déterminée à suivre sa propre voie et à mener sa vie comme elle le souhaite. Elle souhaite toute simplement aimer et vivre librement.

Face à ces personnages féminins forts, les personnages masculins occupent une place importante avec des facettes là aussi assez précises.
Ainsi, Jomei Sato apparait et est décrit comme un homme sans scrupules, qui semble jouer avec les gens autour de lui au risque de les blesser à jamais. Cependant, peu à peu un autre visage apparait à travers les lettres qu’il adresse à Yuko, après la bombe atomique, celui d’un homme véritablement amoureux et qui cherche la rédemption d’une certaine manière en adoptant un enfant qu’il imagine de toute ses forces être celui de celle qu’il aime désespérément mais non sans une certaine volonté de vengeance.
Cependant, le plus « beau » des personnages est celui d’Hideo. Un homme certes défiguré par les conséquences de la bombe atomique mais dont le coeur est resté pur. Il ne connait pas les ressentiments existants entre Amaterasu, sa « grand-mère », et Jomei Sato, son père adoptif, il reste dans l’espoir de rencontrer la dernière survivante de sa famille et de combler ce manque. Ce personnage représente tout le courage, la volonté et l’export de ceux qui ont survécu à cette horreur. Difficile de ne pas être touché par un personnage si plein de bonté et de bienveillance envers les autres.

Vous ne devez pas gâcher vos talents d’artiste. C’est tellement beau de pouvoir montrer au monde la façon dont vous le voyez, ses ombres, ses lumières et les espaces entre les deux. Des détails qui nous échappent dans la vie quotidienne. L’art nous rappelle tout ce que nous n’avons pas le temps de voir.

J’avais repéré sans jamais l’acheter La mémoire des vagues, c’est en découvrant par hasard sa magnifique couverture en version pocket que je me suis laissée tenter et quel plaisir j’ai eu de le lire.

Alors que le titre anglais A dictionary of mutual understanding » transmet l’idée d’une recherche d’une compréhension, d’une entente mutuelle, le titre français La mémoire des vagues joue plus sur le côté émotionnel mais ces deux titres, chacun à sa façon, représentent parfaitement le roman.

En liant secrets de famille, amour interdit et la grande Histoire Jackie Copleton a écrit un roman magnifique sur les regrets, les remords de ceux qui restent après la disparition d’un être cher dans une catastrophe et la difficulté d’avancer et l’espoir et le courage des survivants.
La mémoire des vagues m’a touché par sa douceur et par les émotions transmises par l’ensemble de ses personnages.
Un très beau premier roman.